Transition écologique et emploi : quelles spécificités et quels impacts en Pays de la Loire ?
Les politiques publiques menées sur le plan international et national ont fixé ces dernières années des objectifs précis en termes de transition écologique. Pour les atteindre, l’économie ligérienne dispose de nombreux atouts mais reste face à plusieurs défis à relever. Éclairage.
Fin 2023, une conférence à l’hôtel de Région a réuni des intervenantes de la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) et de l’Insee des Pays de la Loire pour mettre en lumière les impacts de l’action climatique sur l’économie et le marché du travail ligériens.
Quels sont les objectifs fixés pour les réductions de gaz à effet de serre ?
Lors de cette conférence, Camille Cousin, chargée d’études à la Dares, a rappelé quelques éléments de contexte permettant de cerner les enjeux globaux de la transition écologique, ainsi que les objectifs définis par les pouvoirs publics en la matière.
Au niveau international et européen
L’accord de Paris a énoncé en 2015 des objectifs de long terme pour l’ensemble des 193 nations signataires en vue de lutter contre les effets néfastes du changement climatique, notamment celui de réduire à 2°C le réchauffement planétaire d’ici 2100.
Au sein de l’Union européenne, où les émissions de gaz à effet de serre pèsent 7,5 % du volume mondial, la mise en place du Green Deal a pour but de se mettre en conformité avec l’accord de Paris en cherchant à atteindre la neutralité carbone en 2050, mais aussi de faire baisser les émissions de l’UE d’au moins 55 % d’ici 2030 par rapport à 1990. Ce deuxième objectif est particulièrement ambitieux puisqu’il nécessitera de tripler le rythme de réduction des émissions de gaz à effet de serre par rapport à la période 1990-2019.
Au niveau national
En France, l’accord de Paris est mis en œuvre par la Stratégie nationale bas carbone (SNBC) qui fixe l’objectif de réduire de 75 % les émissions de gaz à effet de serre sur la période 1990-2050, et d’au moins 40 % d’ici 2030. Pour tenir cette feuille de route, il est notamment prévu de décarboner totalement la production d’énergie en 2050, de réduire la consommation d’énergie dans tous les secteurs en misant sur l’efficacité énergétique et la sobriété, de réduire les émissions de gaz à effet de serre notamment dans l’agriculture et l’industrie, et d’augmenter ce qu’on appelle les puits de carbone, en particulier les forêts.
Quelles évolutions en termes d’emplois dans le scénario bas carbone ?
Grâce à plusieurs travaux, la Dares et France Stratégie ont projeté la situation en termes d’emploi en France, avec l’hypothèse de l’atteinte des objectifs de la SNBC par le biais d’une relance par l’investissement dans le bâtiment, les transports et la décarbonation de l’énergie.
Les secteurs qui en bénéficieraient le plus en termes d’emploi sur la période 2019-2030 seraient alors la construction (rénovation thermique) ainsi que les services numériques et les services externalisés aux entreprises.
Dans certains secteurs, des disparités sont à relever. Par exemple, l’agriculture biologique générerait plus d’emploi que l’agriculture conventionnelle. De même, dans l’industrie, qui perdrait des emplois au global, les secteurs de la métallurgie et des produits minéraux (utilisés dans la construction), et de l’automobile (construction de véhicules électriques) seraient, eux, générateurs d’emplois supplémentaires. Il faut également noter que l’électrique est appelé à devenir la principale source d’énergie, au détriment des énergies fossiles, ce qui devrait faire apparaître de nouveaux besoins en emploi et donc de nouveaux métiers, par exemple l’energy manager dont le rôle est d’optimiser les procédures pour consommer moins d’énergie.
En Pays de la Loire, des spécificités à l’épreuve de la transition énergétique
Face à ce constat global et ces projections sur le plan national, la région des Pays de la Loire doit composer avec ses propres spécificités, rappelées lors de cette conférence par Nathalie Cloarec, directrice régionale de l’Insee.
Le territoire des Pays de la Loire est très dynamique en termes d’emploi, avec une progression du nombre d’actifs en emploi de 1 % par an entre 1999 et 2019, contre 0,7 % en France métropolitaine. Ce dynamisme est notamment porté par le secteur tertiaire (73 % de l’emploi total en Pays de la Loire), en particulier l’informatique et les services d’information.
La désindustrialisation est bien à l’œuvre en Pays de la Loire puisque la part de l’industrie dans l’emploi total est passée de 28 % à 16 % (-12 points) entre 1975 et 2019, mais elle est moins marquée qu’à l’échelle nationale (-17 points). Ce phénomène s’explique notamment par des particularités anciennes de la région qui se maintiennent, notamment les industries agro-alimentaires ou le secteur de la fabrication de machines et équipements et la fabrication de produits en caoutchouc et plastique. D’autres secteurs industriels sont, eux, devenus des spécificités des Pays de la Loire lors des vingt dernières années, à l’instar de la métallurgie et la fabrication de produits métalliques et de la fabrication de matériels de transport.
Au-delà des évolutions des activités, les métiers ont fortement évolué en 20 ans. Tous secteurs confondus, il faut noter que la part des ouvriers a largement baissé (de 31 % à 25 % entre 1999 et 2019) tandis que le poids des cadres, des professions intermédiaires et des techniciens a augmenté significativement (entre 1,4 et 4 %). Ce phénomène est le plus visible dans l’industrie manufacturière. La bascule des métiers de l’industrie dans les Pays de la Loire s’opère toutefois vers un niveau de qualification plus faible qu’en moyenne nationale.
Le poids de l’agriculture dans l’emploi total en Pays de la Loire a fortement baissé, en passant de 19 % à 4 %. « Malgré tout, l’agriculture reste une activité très structurante dans la région, notamment parce qu’elle occupe encore une grande partie de la superficie du territoire, avec des spécialisations très fortes dans l’élevage, qui ont des impacts sur le plan environnemental », a rappelé Nathalie Cloarec.
De manière générale, les actifs en emploi perçoivent des salaires moins élevés en Pays de la Loire qu’en moyenne nationale (14 euros net horaire contre 15,3 euros en France métropolitaine). Cela s’explique notamment par le fait que la région compte plus d’ouvriers et moins de cadres.
Le bâtiment traverse une crise de recrutement plus intense en Pays de la Loire que sur le plan national, en raison notamment de l’essor démographique de la région, de sa moindre attractivité salariale, et de la nécessité d’adapter les logements en termes d’accessibilité (vieillissement de la population) et de rénovation énergétique. Des impacts sont attendus sur l’évolution des métiers dans le secteur, avec plus de polyvalence à prévoir, et des adaptations à envisager du fait de la complexification potentielle des chantiers à venir, notamment ceux qui devront respecter les nouvelles normes de construction comme la RE2020.
En définitive, les Pays de la Loire semblent bien armés pour répondre à plusieurs défis liés à la transition climatique, en particulier celui de la relocalisation, dans la mesure où des secteurs de l’industrie et de l’agriculture sont déjà bien implantés dans la région.
Cariforef des Pays de la Loire, février 2023
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