Politique Efop et territoires : le génie invisible du local
Le 3 décembre 2019, le Cariforef des Pays de la Loire organisait une journée régionale à destination des acteurs de la Stratégie régionale emploi formation orientation professionnelle (Srefop) des Pays de la Loire. À cette occasion, le sociologue et politiste Thierry Berthet est intervenu autour de la question des politiques de l’Emploi, de la formation et de l’orientation professionnelle (Efop) appliquées au territoire.
Intervention de Thierry Berthet le 3 décembre 2019 lors de la journée Srefop des Pays de la Loire
Politiques territoriales VS politiques territorialisées
Pour analyser les politiques Efop dans les territoires, il est nécessaire de distinguer deux actions. D’une part, les politiques territoriales, qui sont construites depuis les territoires, déployées de façon horizontale et limitées au territoire et peuvent l’être ensuite de façon ascendante (l’expérimentation locale est, par la suite développée au niveau national). Et d’autre part, les politiques territorialisées, qui sont décidées au niveau national et ensuite mises en œuvre dans les territoires.
Des cycles économiques et politiques qui influencent largement le déploiement des politiques de l’emploi, de la formation et de l’orientation
La volonté de déployer une concertation locale des acteurs (économiques et politiques) en matière d’emploi apparaît très tôt : dès le début des années 80, avec la création des Comités locaux de l’emploi (1980), du Service public de l’emploi (1984), des Missions locales et PAIO (1982)…
Mais pour Thierry Berthet, l’analyse historique des politiques de l’emploi depuis les années 80 montre que la territorialisation de ces politiques est liée aux cycles économiques. Ainsi, en période de croissance économique et d’infléchissement du chômage, une plus grande liberté est donnée aux territoires pour développer des solutions locales. Au contraire, en période de tension économique et d’augmentation du chômage, on constate une recentralisation des politiques de l’emploi et une moindre prise en compte des dynamiques territoriales.
De leur côté, les politiques de formation et d’orientation sont, elles, davantage liées aux cycles politiques, en particulier lors de cohabitations nationales-régionales. Les émeutes de novembre 2005 sont ainsi à l’origine du Service public de l’orientation.
L’évaluation : étape nécessaire avant la généralisation
Dans ces va-et-vient constants liés à la variabilité des contextes économique et/ou politique, « les territoires sont [et demeurent] des espaces d’innovation » car les acteurs locaux de l’emploi sont « porteurs de dispositifs novateurs et de solutions originales ».
Reste que les dispositifs qui montrent satisfaction dans un territoire, doivent pouvoir être évalués avant d’être éventuellement généralisés. Or, en la matière, le temps de l’évaluation se confronte au temps politique.
Les coopérations territoriales réussies résultantes d’une alchimie territoriale
Si les expériences de coopération territoriales sont nombreuses, elles apparaissent difficilement modélisables et reproductibles car elles sont le résultat d’interactions quotidiennes des acteurs de terrain.
Parmi les expériences réussies, on identifie deux types de fonctionnement. D’une part, les réseaux d’enjeux où les acteurs sont mobilisés autour d’une question (réseaux peu denses de faible cohésion, constitués d’acteurs variés non hiérarchisés). D’autre part, les communautés de politiques publiques, constituées d’acteurs habitués à travailler ensemble, qui disposent d’une bonne interconnaissance des actions de chacun. Ces deux types de fonctionnement peuvent parfois cohabiter.
Portage politique et animation technique : des facteurs indispensables
Si les expériences réussies de coopération sont difficilement duplicables, deux facteurs sont complémentaires et indispensables à l’accompagnement vers la réussite du travail collectif : le portage politique et l’animation technique des réseaux.
Cela passe notamment par la recherche d’un langage commun, la réflexion d’une structure de gouvernance et la définition d’un zonage commun à tous les acteurs, qui ajuste l’offre publique à l’intensité des problèmes sociaux.
De fait, l’expérience d’autres régions montre que quand le portage politique s’arrête, l’animation technique et la dynamique des réseaux ne tient qu’un temps. Sans cette animation technique, à l’inverse, certaines directives ne voient jamais le jour.
Pour aller plus loin
Support d’intervention de la conférence de Thierry Berthet
Cariforef des Pays de la Loire, décembre 2019