Retour sur la conférence d’André Chauvet
Lors de son intervention à Nantes, le spécialiste de l’orientation professionnelle André Chauvet a décrypté les nouvelles difficultés à attirer les publics et ouvert des pistes de réflexion pour faire évoluer les gestes professionnels d’accompagnement. Mathias Hincourt, animateur de territoire en Vendée, a assisté à la conférence. Il revient sur les notions qui l’ont le plus marqué.
Mathias Hincourt est animateur de territoire pour le Centre interinstitutionnel de bilans de compétences (CIBC) Pays de la Loire. Il intervient en Nord Vendée sur l’action « Activateur de potentiels« , financée dans le cadre du PIC pour expérimenter de nouvelles façons de rendre visibles les compétences informelles.
Qualifier le public
C’est en nous invitant à prendre du recul et à interroger nos conceptions qu’André Chauvet a ouvert sa conférence : qui sont les « invisibles » ? est-ce un public homogène que l’on peut facilement caractériser ? comment l’accompagner ? quel est l’engagement attendu ?
« Si je n’éprouve pas, personnellement, de difficultés à aller vers les publics, j’ai trouvé intéressant de rappeler ce que sont les publics aujourd’hui et d’expliquer pourquoi l’accompagnement n’est pas forcément considéré comme une aide. Je retiens particulièrement cette phrase : c’est la fin de l’obéissance !« , souligne Mathias Hincourt.
L’engagement
Selon André Chauvet, la difficulté à mobiliser s’explique par le fait que l’on pense systématiquement l’insertion professionnelle sur des temps longs. Or, côté public, le rapport au temps s’est transformé, l’utilisateur a réduit les temporalités. C’est encore plus vrai depuis le Covid.
Pour Mathias Hincourt, « cette notion d’engagement et de désengagement est fondamentale. Les publics voient un engagement trop conséquent comme un risque. Tous les processus qui invitent à se projeter ne sont pas considérés. Il faut accepter que les gens changent d’avis. Les parcours sont fatalement itératifs.«
Le degré d’exposition
Autre notion intéressante : le degré d’exposition. André Chauvet a rappelé que « la recherche d’emploi surexpose les personnes, en permanence obligées de justifier leur parcours. Le pire des scénarios est d’être tout le temps sur le devant de la scène. Or, avec le changement de tendance observé sur le marché du travail, le public peut décider d’être visible ou invisible, il est libre de jouer avec son degré d’exposition.«
Mathias Hincourt poursuit : « Je partage totalement cet avis, qui résonne avec mon travail sur la reconnaissance ouverte dont le fondement est de rendre visible ce qui est inapparent, informel. Grâce à nos outils, nous avons la possibilité de faire varier ce degré selon ce que souhaite la personne.«
L’importance des modalités
Face au constat que les usagers sont de plus en plus sensibles aux modalités (la façon dont on les reçoit, le lieu où on les reçoit, importent davantage que le contenu), Mathias Hincourt retient « l’importance du lieu comme terrain neutre. Le bureau n’est pas forcément le lieu propice. Trop solennel, trop formel. C’est un principe que j’applique en prenant des rendez-vous au plus près du lieu de vie de certains bénéficiaires, ou dans des tiers-lieux.«
De nouveaux espaces de transaction
Favoriser la rencontre passe aussi par la construction d’une relation différente, par de nouveaux gestes professionnels : André Chauvet parle de « nouer de nouvelles transactions« .
« Le terme de « transaction »n’est pas négatif pour moi, cela signifie que l’on crée un espace dans lequel la personne va pouvoir énoncer ses priorités, dans lequel elle va avoir le sentiment d’être partie prenante de la négociation. Un dialogue s’ouvre pour essayer de s’accorder. C’est très positif, c’est la possibilité de co-construire un projet, de co-élaborer les décisions« , commente Mathias Hincourt.
Une activité de diplomate
En conclusion, André Chauvet a déclaré : « L’activité d’accompagnement est une activité de diplomate« . Une phrase évocatrice pour Mathias Hincourt : « J’ai été très sensible à cette idée. J’ai l’habitude de me présenter en tant qu’ « Accompagn’honneur » parce que c’est un honneur pour moi d’accompagner des personnes vers l’emploi. Comme celui du diplomate, notre métier requiert de créer du lien, d’écouter, de faire preuve d’humilité et de dévouement. Nous sommes une porte d’entrée globale, c’est à nous de nous adapter, à nous d’être dans la proximité, et non l’inverse.«
« André Chauvet va continuer à nous éclairer. Sa grande force, c’est sa capacité à se nourrir de nos échanges, à être dans une écoute active. » conclut-il.
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Cariforef des Pays de la Loire, décembre 2022