08/12/2025

La formation, un modèle économique en mutation

Entre porosité des marchés, régulations successives, tensions sur l’apprentissage et nouvelles attentes des apprenants, le secteur de la formation voit son modèle bousculé. Le consultant Jean-Pierre Willems décrypte ces mutations et les enjeux qu’elles soulèvent.

Au cœur des transformations économiques et sociales, le secteur de la formation doit s’adapter à un environnement mouvant, des régulations successives et des attentes renouvelées de la part des entreprises comme des apprenants. 

C’est dans ce contexte que la fédération Les acteurs de la compétence, qui rassemble 78 organismes de formation en Pays de la Loire, a convié ses adhérents le 25 novembre pour une matinée d’échanges. Invité de cette rencontre, Jean-Pierre Willems, consultant en formation professionnelle, est venu apporter un éclairage précieux sur l’évolution du modèle économique de la formation.

Un marché de la formation en pleine recomposition

Des frontières qui se brouillent

Dès l’ouverture de son intervention, Jean-Pierre Willems souligne que les frontières autrefois clairement établies entre formation initiale, apprentissage, formation continue financée par des tiers (Région, France Travail…) et développement des compétences des salariés se sont progressivement effacées. 

« Depuis six ans, ces champs sont devenus poreux », observe-t-il. Certains organismes ont, par exemple, fait le choix de l’apprentissage. Une transition loin d’être neutre : « L’apprentissage commence par un recrutement, pas par une formation », insiste-t-il. Les modèles d’activité s’en trouvent profondément changés.

Le recul du marché tiers payant

Autre observation du consultant : le marché de la formation continue, financée sur fonds publics, est celui qui connaît la plus forte contraction, avec une baisse de 17 % au niveau national en 2024. 

Face à cette réalité, il constate deux types de stratégies : 

  • des organismes qui abandonnent le marché tiers payant pour se tourner vers l’apprentissage ; 
  • d’autres qui glissent vers le marché libre, misant sur une relation directe aux clients, une baisse des coûts et un repositionnement de leur modèle économique.

Apprentissage : un difficile chemin vers la normalisation

Côté apprentissage, près d’un million de jeunes en bénéficient chaque année, et une part importante des cotisations des entreprises y est consacrée.  

Pour autant, son avenir reste incertain. Selon Jean-Pierre Willems, la normalisation de l’apprentissage est entravée par des mesures récentes comme la réduction des aides à l’embauche, l’instauration d’un reste à charge pour les employeurs et la réduction des niveaux de prise en charge pour les CFA. Résultat : une forme de régulation indirecte, notamment pour les formations de l’enseignement supérieur.  

« Aujourd’hui, les perspectives ont changé, souligne Jean-Pierre Willems. Les CFA cherchent à stabiliser leur activité, par la réduction des coûts : fermeture de filières non rentables, transformation des modèles pédagogiques, recours à la sous-traitance, économies d’échelles via des partenariats, etc. » 

À ces contraintes économiques s’ajoute la pression démographique. « Le flux d’arrivée de jeunes mineurs va se tarir de plus en plus rapidement », avertit Jean-Pierre Willems. Les CFA tournés vers ce public doivent réagir sans tarder : réinventer leur modèle, diversifier leurs publics, intégrer davantage de réversibilité dans leurs activités…

Replacer la compétence au centre

Sur le marché libre, 22 % de l’activité repose sur des formations obligatoires (sécurité, santé, hygiène…). Jean-Pierre Willems souligne que certaines entreprises continuent d’y envoyer leurs salariés, sans qu’ils en aient vraiment besoin. Il invite à s’interroger sur le fait de garantir les compétences. 

Pour lui, le secteur reste encore largement focalisé sur le produit « formation ». Or, cette approche montre ses limites : « On peut aller en formation sans acquérir de compétence. » 

S’appuyant sur une étude du Céreq, il indique que la moitié des personnes formées ne parviennent pas à transférer leurs acquis en situation professionnelle. Tout le travail de l’organisme est de concevoir le modèle de formation le plus adapté. 

D’autant que le rapport à la formation change. Selon Jean-Pierre Willems, les individus recherchent avant tout : 

  • la valeur d’usage,
  • la reconnaissance sociale, 
  • la personnalisation, 
  • l’expérience. 

Ce qui compte aujourd’hui, c’est moins la formation que le service rendu.

Jean-Pierre Willems, consultant en formation professionnelle

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