Repérer et mobiliser les jeunes invisibles
Le 4 mars 2022, le Cariforef Gip Alfa Centre a organisé un webinaire dédié à la problématique des jeunes (15 à 29 ans) dits « invisibles ». La docteure en sciences de l’éducation Claire Bernot-Caboche y a présenté ses travaux d’investigation et émis des pistes pour remobiliser ces jeunes.
En France, trois jeunes sur dix sont en situation précaire. Un jeune actif sur cinq est au chômage. Un jeune sur quatre est pauvre et un jeune sur vingt est « invisible ».
Les invisibles : des définitions complémentaires qui permettent de voir et de comparer des réalités associées
Depuis l’emploi précaire jusqu’à l’absence de statut statistique en passant par les accompagnements longs (Mission locale, Pôle emploi) ou courts, le halo du risque d’invisibilité touche une frange large des jeunes.
La caractérisation de Neet (ni en éducation, ni en formation, ni en emploi) constitue une définition partagée au niveau international. Elle permet des comparaisons régionales, nationales et européennes, mais ne prend pas en compte les jeunes en emploi précaire.
La mesure Jeunes inactifs ou au chômage (JIC), créée par l’Insee, permet des comparaisons régionales, départementales et au niveau des communautés de communes (Établissements publics de coopération intercommunale -EPCI-).
Trois autres notions sont associées à l’invisibilité : la précarité (absence d’une ou plusieurs sécurités permettant de jouir de ses droits fondamentaux), « le descendeur social » (¼ des jeunes vivent moins bien que leurs parents quel que soit leur niveau d’éducation) et enfin, « l’ascenseur social » (les jeunes issus des quartiers sensibles vivent mieux que leurs parents du fait d’un niveau d’éducation plus élevé).
Des causes d’invisibilité multiples
Claire Bernot-Caboche recense, dans les parcours de vie de ces invisibles, plus de 80 causes (personnelles, familiales, scolaires, sociétales…). Ces causes peuvent potentiellement s’additionner. Toutes engendrent souffrance et mal-être.
Un territoire national dans la moyenne européenne mais des différences marquées entre les territoires et les tranches d’âges
La France se situe « dans la moyenne » des pays européens en matière d’invisibilité.
Parce qu’elle propose une « myriade d’offres jeunesse« , elle est moins confrontée au risque de pauvreté ou d’exclusion que les autres pays européens. Néanmoins, les périodes de confinement ont mis à mal l’accompagnement de proximité français et fait augmenter le nombre de jeunes en invisibilité totale.
Par ailleurs, l’observation fine des territoires permet d’identifier ceux davantage confrontés au risque d’invisibilité et ainsi adapter la politique publique de lutte contre l’invisibilité.
De même, la comparaison par tranches d’âges (15-19 ans, 20-24 ans, 25-29 ans) met en lumière l’évolution du risque d’invisibilité (augmentation de l’invisibilité totale entre les tranches 20-24 ans et 25-29 ans sur les territoires étudiés en Bourgogne-Franche-Comté).
Des réalités parfois inattendues et des politiques inadaptées
Dans la population des jeunes invisibles, neuf sur dix habitent hors des Quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) et deux sur cinq sont issus de milieux plutôt favorisés.
Pour ces jeunes issus de « milieux diffus« , « il manque un maillon à la politique d’insertion« . Parce qu’ils ne sont pas facilement identifiables, ceux-ci échappent en effet à l’offre des politiques jeunesse.
Pour Claire Bernot-Caboche, il s’agit donc de changer de paradigme en inversant le processus « d’aller vers » en processus de « faire venir ».
« Faire venir » les jeunes pour les aider à reconstruire leur parcours
Pour réussir à « faire venir » ces jeunes qui passent à travers des mailles de la prévention ou de la détection, il faut lever les freins à l’accompagnement : assouplir les dispositifs en adaptant le financement, le nombre de places disponibles, les conditions d’accès et les périmètres d’âge en accompagnement et en formation, mais aussi assurer la continuité de financement entre les Régions, assouplir la frontière entre les territoires et faciliter l’accès à la mobilité.
Pour Claire Bernot-Caboche, il faut également réfléchir à la création d’un « sas d’accueil intermédiaire en relation avec le Service public régional de l’orientation (Spro)« , permettant de remettre en mouvement ces jeunes invisibles « à l’arrêt » et développer les relations avec le monde économique pour rapprocher les jeunes et le monde du travail.
Le parcours de réussite du jeune doit, selon Claire Bernot-Caboche, passer par plusieurs phases (remobilisation, formalisation de l’accompagnement, formalisation du projet de raccrochage et enfin prise d’autonomie). Chacune doit être individualisée et adaptée à chaque jeune, co-construite et ajustée au fil de l’eau avec lui et incluant tous les partenaires mobilisables via un accompagnateur unique. Dans cette démarche, la Mission locale a un rôle indispensable à jouer pour engager, autour du jeune, tous les acteurs de la jeunesse qu’elle aura identifié de façon exhaustive sur son territoire.
Repérage et mobilisation des jeunes invisibles
Gip Alfa Centre-Val de Loire, 4 mars 2022
Cariforef des Pays de la Loire, mai 2022
En savoir plus
Consulter le blog de Claire Bernot Caboche « La jeunesse invisible«
Accéder à “La place”, la plateforme de la communauté régionale des acteurs du Pacte régional d’investissement dans les compétences (Pric)