O2R : quand le logement devient un tremplin vers l’emploi

L’appel à manifestation d’intérêt Offre de repérage et de remobilisation (O2R) soutient des initiatives innovantes pour accompagner les personnes éloignées de l’emploi. Le projet nantais « Du logement à l’emploi » porté par Adoma et Adelis illustre cette démarche : logement accompagné et insertion professionnelle se conjuguent pour proposer un parcours personnalisé aux résidents.
Deux acteurs engagés dans le champ de l’inclusion sur la métropole nantaise unissent leurs forces dans le cadre de l’appel à manifestation d’intérêt « Offre de repérage et de remobilisation » (O2R) piloté par l’État. D’un côté, Adoma, société d’économie mixte à mission spécialisée dans le logement et l’hébergement accompagnés pour les personnes en difficulté, gestionnaire notamment de résidences sociales et pensions de famille. De l’autre, Adelis/Médiation emploi, association fortement implantée en Loire-Atlantique, experte de l’accompagnement à l’emploi de publics en situation d’exclusion. Ensemble, elles déploient un projet ambitieux pour accompagner vers l’emploi des publics éloignés, en partant des lieux de vie.
Nous avons rencontré les acteurs de ce projet baptisé « Du logement à l’emploi, d’abord et pour tous en résidences Adoma » : Pauline Lebeau (responsable développement social chez Adoma), Angélique Gillier (responsable insertion professionnelle chez Adoma), Laurent Marais (directeur Médiation emploi chez Adelis) et Clémence Delberghe (chargée de mission emploi chez Adelis).
Comment est né votre partenariat dans le cadre du projet O2R ?
Adoma : Nous avons saisi, fin 2024, l’opportunité de l’appel à manifestation d’intérêt de l’Offre de repérage et de remobilisation (O2R). L’accès à l’emploi reste un axe indispensable de l’insertion mais que nous traitions encore peu dans les résidences. C’est pourquoi il nous a semblé essentiel de nous adosser à une structure experte dans le domaine. Travailler avec Adelis, déjà engagée dans l’accompagnement vers l’emploi, est apparu comme une évidence, d’autant que nos structures avaient déjà des liens dans le champ du logement.
Adelis : Le projet O2R est arrivé au bon moment pour nous aussi. Nous cherchions à maintenir un dispositif en faveur des primo-arrivants dont le financement arrivait à terme. Le partenariat avec Adoma nous a permis de combler une lacune concernant « l’aller vers », qu’eux maîtrisent parfaitement. Nos visions communes, centrées sur l’inclusion par le logement et l’emploi, ont permis une vraie synergie.
Quels sont les publics ciblés ?
Adoma : Le projet s’adresse aux résidents de nos six résidences sociales nantaises. Nous avons ciblé prioritairement trois types de publics : les bénéficiaires des minimas sociaux, les bénéficiaires de la protection internationale et personnes réfugiées, et les personnes présentant des problématiques de santé somatique ou mentale. Ce sont des personnes qui cumulent souvent les freins à l’emploi (langue, isolement, santé mentale ou somatique, charge familiale, méconnaissance du marché de l’emploi…) et qui nécessitent une approche très individualisée.
Justement, comment allez-vous à leur rencontre ?
Adoma : Nous menons des actions « d’aller vers » et déployons pour cela plusieurs stratégies : rencontre avec les équipes des résidences pour l’identification des résidents, affichage, envois de SMS, tenue de permanences dans les halls… Nous utilisons aussi les relais internes : l’équipe de proximité de la résidence (responsable de résidence, responsable insertion sociale, ouvrier de maintenance), les voisins, les partenaires. L’idée, c’est vraiment d’être visibles, accessibles, identifiés comme des soutiens.
Et une fois les personnes repérées, comment se structure leur accompagnement ?
Adoma : Nous avons deux postes dédiés : Angélique (chez nous) s’occupe de l’identification du public, de la remobilisation, et Clémence (chez Adelis) de l’accompagnement vers l’emploi. Ensemble, elles construisent un parcours progressif, ajusté au niveau de chacun. Les professionnelles ont aussi pour objet le développement du réseau partenarial autour de l’emploi.
Adelis : Notre accompagnement repose sur une méthode spécifique, dite IOD (Intervention sur l’offre et la demande), qui part du principe que personne n’est inemployable. Elle consiste à prendre contact directement avec les entreprises pour créer des opportunités d’emploi, sans passer par les offres classiques publiées. Nous travaillons sur ce qu’on appelle le marché caché de l’emploi, c’est-à-dire ces postes qui ne sont pas visibles mais pour lesquels il existe un besoin.
Pouvez-vous expliquer plus en détail en quoi consiste cette méthode IOD ?
Adelis : Nous partons des envies et des contraintes des personnes, sans a priori, et nous démarchons les entreprises à partir du diagnostic qui est réalisé. Nous ne demandons pas de CV ni de lettre de motivation au départ. Nous essayons de trouver des employeurs ouverts à l’idée de rencontrer directement les candidats, souvent sur leur futur lieu de travail, pour leur permettre de se projeter.
Nous privilégions des postes en CDI et à temps plein, dans des secteurs en tension (logistique, nettoyage, restauration…). Mais surtout, nous cherchons à transformer les pratiques de recrutement des entreprises, en leur proposant une autre manière d’aborder les profils éloignés de l’emploi.
Et derrière l’embauche, le travail continue. Nous accompagnons aussi la phase d’intégration dans l’entreprise. Nous construisons avec l’employeur un planning de prise de poste, nous identifions les bons leviers pour que la personne s’adapte et réussisse. Nous ajustons les tâches, le rythme, nous restons présents pour sécuriser les premiers mois. C’est un accompagnement en binôme, auprès du salarié comme de l’employeur.
Voir le témoignage d’Adelis dans le webinaire du Cariforef Pays de la Loire de janvier 2024.
Quels sont les défis que vous anticipez dans ce projet O2R ?
Adoma : Le premier enjeu, c’est vraiment la mobilisation des résidents. On ne peut pas leur imposer un parcours. Il faut susciter leur intérêt, les rassurer, instaurer la confiance.
Adelis : Il y a aussi toute la coordination avec les acteurs du service public de l’emploi : France Travail, le Département, Cap emploi… Avec la réforme en cours, les modalités de co-accompagnement restent à préciser. Il est essentiel de bien se positionner dans cet écosystème pour éviter les doublons ou les oublis.
Un mot de conclusion ?
Adoma et Adelis : Ce projet est expérimental, ambitieux et humain. Il part de la conviction que le logement et l’emploi sont deux piliers indissociables de l’inclusion. Nous ne cherchons pas à faire “à la place de”, mais “avec”, en mobilisant un réseau le plus large et cohérent possible. Plus nous travaillons ensemble autour des personnes, plus elles ont de chances de reprendre confiance et de s’inscrire dans un parcours durable.
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