IA et emploi : 5 recommandations pour une transition réussie
L’essor rapide des outils d’intelligence artificielle soulève de nombreux défis pour le travail et l’emploi. Formation, accompagnement des travailleurs, inclusion des publics éloignés, dialogue social… Plusieurs études récentes préconisent des actions fortes.
Si l’IA représente une opportunité de transformation pour le monde du travail, elle nécessite une mise en œuvre encadrée et inclusive. L’enjeu dépasse la simple transformation technologique, il s’agit d’assurer l’appropriation collective de l’IA. Divers rapports et études récemment publiés s’accordent sur ce point.
Adapter la formation initiale
La généralisation de l’IA soulève d’abord des enjeux éducatifs. Une note de Terra Nova recommande d’intégrer son apprentissage aux missions de l’Éducation nationale en formant les enseignants et en veillant à un accès équitable aux outils d’intelligence artificielle. Le rapport du Sénat, « IA et Éducation », va plus loin en proposant de former massivement pour favoriser l’émergence d’une culture générale de l’IA.
Les deux analyses s’accordent sur la nécessité de préserver les efforts cognitifs des élèves et d’accompagner le développement des soft skills (créativité, esprit critique, collaboration), qui deviendront des atouts majeurs dans un monde automatisé. « Le déploiement de l’IA va imposer une nouvelle hiérarchie des compétences scolaires », énonce la note de Terra Nova.
Développer la formation continue
L’IA impose une adaptation rapide des compétences. La plupart des études insistent sur l’importance d’un investissement massif dans la formation continue, tant pour les travailleurs que pour les demandeurs d’emploi. Le think tank Compétences++ propose la création d’une commission dédiée aux parcours sur l’IA au sein de France Compétence, afin de faciliter leur financement via des dispositifs comme le Compte personnel de formation (CPF). De son côté, le Comex40 du Medef défend la démocratisation des formations IA par des approches plus horizontales, séquencées et fondées sur l’apprentissage entre pairs.
La note de Terra Nova confirme l’utilité d’une formation en situation de travail, permettant aux salariés de monter en compétences directement dans leur environnement professionnel, car les usages de l’IA seront très étroitement liés à l’organisation du travail dans chaque entreprise. Cette approche est déjà expérimentée dans le cadre des Actions de formation en situation de travail (Afest).
Repenser l’accompagnement vers l’emploi
L’intelligence artificielle a également un rôle à jouer dans l’accompagnement à l’emploi. En automatisant certaines tâches administratives, elle peut permettre aux conseillers de se concentrer sur le suivi humain. L’outil Match FT, expérimenté par France Travail dans trois régions, dont les Pays de la Loire, illustre cette approche : par des échanges de SMS, l’IA recueille les souhaits du candidat, affine sa demande et lui propose des offres d’emploi adaptées à son profil, avant qu’un conseiller ne prenne le relais.
L’IA est déjà largement intégrée aux pratiques de recherche d’emploi : selon une étude récente, plus de trois demandeurs d’emploi sur quatre y ont eu recours.
Mais l’étude de Terra Nova met en garde : les gains de productivité générés par l’IA ne doivent pas servir à réduire les coûts des services publics, mais bien à renforcer l’accompagnement des publics.
Faire de l’IA un levier l’inclusion
Contrairement aux idées reçues, l’IA peut être utilisée comme levier d’inclusion dans l’emploi. La note de Terra Nova met en avant le potentiel inclusif de l’IA qui facilite la rédaction de CV ou de lettre de motivation pour les personnes en difficulté. Y est cité l’exemple du générateur de CV d’Adecco, qui permet aux candidats de créer leur CV en décrivant oralement leur parcours, leurs expériences et leurs qualifications. En un an, plus de 80 000 CV ont été créés grâce à cet outil. L’étude préconise de généraliser ces usages via des campagnes de communication auprès du Réseau pour l’emploi.
Dans le domaine de la formation, certains acteurs ont déjà intégré l’IA dans une logique inclusive. L’école d’informatique Simplon, qui forme des publics éloignés de l’emploi (personnes en situation de handicap, réfugiés, etc.), s’est associée à OpenAI pour démocratiser l’accès aux outils d’intelligence artificielle.
Instaurer un dialogue social autour de l’IA
Enfin, l’IA doit être un sujet de dialogue social. La note de Terra Nova souligne que de nombreux salariés utilisent déjà l’IA de manière informelle dans leur quotidien (on parle de « shadow GPT »), et qu’il est essentiel d’anticiper ses impacts sur l’organisation et les compétences.
Selon le Conseil économique, social et environnemental (Cese), la régulation de l’IA ne peut être laissée à une poignée d’acteurs. Il est crucial de co-construire un cadre d’utilisation impliquant employeurs, syndicats et salariés.
Cette nécessité commence à se traduire dans les pratiques : entre 2018 et 2023, bien qu’encore modeste, la proportion d’accords d’entreprise mentionnant l’IA a été multipliée par 2,5, selon une publication du Centre d’études de l’emploi. Certaines entreprises prennent déjà les devants pour anticiper ces transformations. La Maif, citée dans la note de Terra Nova, a ainsi organisé une « convention de salariés » sur l’IA, en concertation avec ses représentants syndicaux.
« L’IA sera ce que nous en ferons collectivement », conclut la note de Terra Nova.