L’accompagnement comme construction collective



Bien loin d’être une pratique individuelle, l’accompagnement relève de l’enjeu collectif et territorial. Pour en prendre conscience, le sociologue Chafik Hbila met en lumière sur les dimensions essentielles de l’accompagnement : l’autonomisation des individus, la posture d’accompagnement, le travail en partenariat…

Il existe une grande diversité de pratiques dans l'accompagnement. Chaque professionnel pourrait en donner sa propre définition. Pour autant, derrière cette complexité, l’accompagnement se manifeste par une posture et des enjeux communs.

Inspiré des travaux de Maëla Paul, le sociologue Chafik Hbila a présenté les lignes fortes de la fonction d’accompagnement lors d’un forum d’interconnaissance qui a réuni les acteurs de l’emploi, de la formation et de l'orientation professionnelles (Efop) du nord de la Sarthe.

La préparation à l’autonomie

Pour comprendre ce qu’est l’accompagnement, Chafik Hbila s’intéresse d’abord à la notion de socialisation. Ce processus par lequel on prépare les individus à adopter un rôle dans la société représente un enjeu à plusieurs titres pour l’accompagnement. D’abord parce que la socialisation est fondée sur une valeur cardinale, l’autonomie, que l’on retrouve aujourd’hui dans tous les accompagnements. Il s’agit de répondre à cette injonction d’être "en capacité" et de conduire les publics désaffiliés ou désorientés sur ce chemin.

Un mode d’action contre les inégalités

La socialisation est encore nettement influencée par le territoire et l'origine sociale. "Les territoires qui se développent inégalement jouent un rôle actif dans la construction des parcours", indique le sociologue, "ils peuvent niveler par le bas".

Ce qui régit l'accompagnement, ce sont les inégalités sociales. Comment l’accompagnement peut-il lutter contre les déterminismes ? comment peut-il ouvrir le champ des possibles ?

À cela s’ajoute que l’emploi ne structure plus la vie d’un individu : la socialisation est en pleine mutation. Un défi de plus pour les professionnels.

L’accompagnement comme posture et relation

La spécialiste Maëla Paul définit l’accompagnement comme "le fait de se joindre à quelqu'un pour aller où il va en même temps que lui". Par cette définition, elle montre que l'accompagnement n'est pas simplement une série de techniques ou de méthodes, mais plutôt une posture et une relation. Comment bien se positionner ? s'interrogent les professionnels.

Lors de son intervention, Chafik Habila a évoqué plusieurs lignes fortes de la posture d’accompagnement :

  • La relation de confiance : Pour aider quelqu'un, il faut amener la personne à baisser la garde, faire en sorte qu’elle soit à l’aise pour partager ses freins et ses désirs. Bien évidemment, cette démarche "d’apprivoisement" va être différente si l’accompagnement est délibérément choisi ou subi.
  • Le non-savoir : L’accompagnement nécessite de la patience et d'accepter qu'on ne sait pas. Seule la personne concernée peut dire ce qu’il en est de sa situation, comment elle la vit et quels sont ses désirs. Imposer un schéma ne peut mener qu’à un échec. "C’est le plus compliqué", souligne Chafik Hbila. "Cela fait partie des injonctions paradoxales auxquelles sont confrontés les professionnels de l’accompagnement : dévoiler le champ des possibles à des personnes qui s’autocensurent, tout en restant à l’écoute."
  • La retenue : L’accompagnement est une manière de se tenir en relation, un juste équilibre à trouver, qui ne soit ni dans la domination ni dans l’indifférence. "Il n’y a que deux places : un qui écoute, un qui parle."
  • Une remise en question continue : La posture d’accompagnement est une posture qui interroge en permanence. Elle implique une réflexion constante sur la manière dont les professionnels s'engagent avec les individus qu'ils accompagnent.

Au-delà de ces éléments communs, le sociologue affirme qu’il n’y a pas de recette miracle, "simplement de l’humain".

Accompagner en partenariat

Avec la création du Réseau pour l’emploi, la nécessité de travailler en partenariat est reconnue comme un principe fondamental de l’accompagnement. "L’accompagnement s’inscrit dans un faisceau partenarial où de nombreux autres acteurs vont apporter leur savoir-faire et contribuer à la construction de parcours", explique le sociologue. "Un accompagnement n’est pas exclusif." Pour les professionnels, l’enjeu consiste à concilier les objectifs des dispositifs d’insertion qu’ils portent auprès des publics avec cette approche partenariale.

 

Pour aller plus loin

Empruntez les ouvrages de Maëla Paul :

 

Cariforef des Pays de la Loire, janvier 2024