Quand la certification s’invite dans la salle de formation
Le 13 novembre, lors d’un webinaire de Centre Inffo, les juristes Fouzi Fethi et Valérie Michelet ont décrypté le décret du 6 juin relatif à la certification professionnelle. Avec l’entrée explicite des moyens de formation dans les critères d’enregistrement, ce texte transforme en profondeur la responsabilité des certificateurs et leur relation avec les organismes habilités.
Renforcement des critères d’enregistrement
Jusqu’à présent, l’enregistrement au Répertoire national des certifications professionnelles (RNCP) ou au Répertoire spécifique (RS) reposait principalement sur la valeur des certifications sur le marché du travail.
Le décret du 6 juin introduit une nouveauté majeure : pour tout enregistrement ou renouvellement, il faut désormais prouver les moyens techniques, pédagogiques et d’encadrement mis en œuvre pour la réalisation des actions de formations ou de Validation des acquis de l’expérience (VAE).
La certification regarde par-dessus l’épaule de la formation.
Fouzi Fethi, responsable du Pôle droit et politiques de formation de Centre Inffo
La responsabilité du certificateur est ainsi engagée tout au long de l’enregistrement vis-à-vis de l’organisme qu’il habilite. Il doit démontrer non seulement la réalité, mais aussi l’adéquation des moyens de formation avec les référentiels de la certification visée. Face à ces obligations, ministères certificateurs et organismes privés sont mis à pied d’égalité et pareillement soumis au contrôle de France compétences.
Si le critère est applicable depuis le 1er octobre 2025, le décret ne fournit pas d’indicateur précis pour en évaluer la conformité. La question se pose alors : qu’entend-on exactement par “moyens techniques, pédagogiques et d’encadrement” ?
Définition des “moyens techniques, pédagogiques et d’encadrement”
Pour clarifier cette notion, les intervenants ont commencé par définir l’action de formation. Selon la définition simplifiée de la loi de 2018, il s’agit d’un parcours pédagogique permettant d’atteindre un objectif professionnel, pouvant être réalisé en présentiel, à distance ou en situation de travail.
Les textes réglementaires ont depuis encadré cette définition, notamment pour les formations à distance ou en Afest, en précisant les obligations d’assistance technique et pédagogique.
Concernant les « moyens techniques, pédagogiques et d’encadrement », la circulaire DGEFP n° 2011-26 du 15 novembre 2011 en précisait déjà les contours. Selon ce texte, les moyens pédagogiques et techniques comportent notamment « des supports pédagogiques et techniques sans lesquels l’action serait vidée de son sens ou de son efficacité (salles de formation, équipements divers, documentation, outils pédagogiques…). »
« Quant à l’encadrement, il s’agit des personnes disposant des compétences techniques, professionnelles, pratiques ou théoriques, en rapport avec le domaine de connaissances concerné et ayant, pour les formateurs, la capacité de transmettre leurs connaissances. »
Point essentiel, que l’on retrouve dans le Code du travail : le texte indique que les moyens pédagogiques ne se confondent pas avec les méthodes pédagogiques, laissées à l’appréciation du formateur.
Exemples parlants
Les intervenants ont illustré ces notions par des situations concrètes relevées en contrôle ou en jurisprudence :
- Moyens techniques : le juge retient comme moyens techniques des locaux adaptés, en capacité de recevoir le nombre de stagiaires annoncés et dotés du matériel nécessaire.
- Moyens pédagogiques : des décisions de cour d’appel ont sanctionné l’absence de supports pédagogiques (Cour d’appel de Paris) ou la non-justification d’achats de matériels pédagogiques facturés (Cour d’appel de Lyon).
- Moyens d’encadrement : la feuille d’émargement reste « la pièce la plus fraudée en France » (absences, signatures incohérentes), et par là le premier élément relevé par les services de contrôle.
Ces exemples confirment que l’exigence porte sur la réalité des moyens et leur adéquation avec la formation, indépendamment de la qualité pédagogique ou des résultats obtenus.
En savoir plus
- Replay – Regardez le webinaire « Certification professionnelle : du marché du travail à la salle de formation ? » organisé par Centre Inffo
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