L’IA dans l’accompagnement des publics éloignés de l’emploi 

L’intelligence artificielle comme levier d’inclusion et d’autonomie pour les publics éloignés de l’emploi ? Sur le terrain, les initiatives montrent déjà des gains réels pour révéler les compétences, faciliter la candidature… Mais à certaines conditions : combiner IA et accompagnement humain, former les professionnels et s’appuyer sur un cadre éthique clair. 

L’intelligence artificielle (IA) connaît une progression fulgurante et s’invite dans toutes les pratiques. Quel est l’impact pour celles et ceux qui accompagnent les publics éloignés de l’emploi et de la formation ? Quelles opportunités ouvre-t-elle, et quels points de vigilance doit-on garder en tête ? 

Pour éclairer ces questions, le groupe « Accompagnement des parcours » du Comité local pour l’emploi (CLPE) 44 Centre a organisé une journée d’échanges autour des bénéfices et limites de l’IA.

La matinée a été rythmée par une table ronde sur les pratiques en place, réunissant Safia D’Ziri (Département de Loire-Atlantique), Marie Bernard et Fanny Giraudeau (Nantes Métropole), Magali Segonds (France Travail), Emmanuelle Sohier (Avenir Actifs – Mon CEP), Cécile Michaud (Apec) et Fabienne Rives (Atdec). L’après-midi, 90 professionnels ont pu tester plusieurs outils d’IA pour en comprendre concrètement le fonctionnement et les usages possibles dans leurs pratiques. 

L’IA dans la recherche d’emploi 

Selon l’Observatoire IA & emploi, 77 % des demandeurs d’emploi ont déjà utilisé l’IA : pour chercher des offres, optimiser leur CV, obtenir des conseils administratifs ou simuler un entretien.  

Mais l’usage de l’IA reste très inégal. La fracture suit les mêmes lignes que la fracture numérique – âge, niveau de diplôme, territoire – avec, par exemple, seulement 30 à 35 % d’usage en zones rurales, contre près de 60 % dans les villes.  

Pour réduire ces écarts, les professionnels mettent en place des dispositifs d’accompagnement, tels que : 

• Les ateliers collectifs organisés par l’Apec, qui visent à lever les craintes et à former les cadres et jeunes diplômés à l’utilisation de l’IA. 
• Le calendrier de l’IA, lancé par France Travail, pour sensibiliser les demandeurs d’emploi. 
• « La Boîte noire de l’IA » à Nantes Métropole, un jeu pédagogique qui permet de comprendre le fonctionnement des IA génératives. 

Ces dispositifs montrent qu’il ne suffit pas de donner accès à l’IA : il faut accompagner la compréhension de la technologie pour que chacun puisse en tirer bénéfice. 

L’IA comme outil de médiation et d’accompagnement 

L’IA peut aussi servir de médiateur pour aider les publics à clarifier leur projet professionnel et valoriser leurs compétences. 

La solution Whire, adoptée par l’Atdec Nantes Métropole, en est un exemple concret. Grâce à un chatbot spécialisé, elle aide les participants à prendre conscience de leurs atouts, à réfléchir à leur projet professionnel, à créer un CV ou une lettre de motivation, voire à s’entraîner à l’entretien. 

Les bénéfices sont multiples : 

• Gain de confiance : le chatbot permet aux personnes de révéler leur potentiel, la parole est plus libre – certains osent davantage se dévoiler face à l’outil qu’en entretien. 
• Clarification du projet : les questions guidées du chatbot aident les participants à structurer leur réflexion et à se projeter dans leur parcours professionnel. 
• Décharge du conseiller : l’IA assure certaines tâches répétitives comme la correction de fautes d’orthographe, ce qui permet aux conseillers de se concentrer sur l’accompagnement humain. 

 Je me suis découverte. Je pensais que j’étais nulle, j’ai découvert que j’avais des atouts .

Une utilisatrice de Whire. 

D’autres outils facilitent l’accès à l’emploi comme le service Match FT de France Travail qui envoie des propositions d’offres par SMS ou comme la dictée orale de CV pour les personnes allophones, via le créateur de CV Adecco. Autant de solutions qui permettent de réduire les barrières à l’emploi. 

Des outils internes pour gagner en efficacité 

Pour les professionnels de l’accompagnement, l’IA est aussi un moyen d’optimiser le travail en interne afin de gagner en efficacité et d’améliorer la qualité de l’accompagnement humain. 

Chez France Travail, l’outil ChatFT aide notamment les agents pour la rédaction de synthèses d’entretien. L’usage d’outils grand public (ChatGPT, Gemini, Copilot…) y est proscrit pour des raisons de sécurité. De même à l’Apec, où l’ensemble des salariés ont accès à un outil interne qui respecte la confidentialité des données. 

Chez Catalys, opérateur du service Mon Conseil en évolution professionnelle (Mon CEP) en Pays de la Loire, un projet de chatbot interne, alimenté par toute la ressource documentaire interne, est en cours de développement pour sécuriser la prise de décision des conseillers. 

Enjeux et points de vigilance 

Les enjeux pour les professionnels de l’accompagnement sont multiples face à la montée en puissance de l’IA. Ils doivent à la fois s’acculturer et se former à l’IA, identifier des usages à forte valeur ajoutée pour renforcer le relationnel et accompagner à la pratique des outils IA.

Dans cette démarche, il est important de garder en tête quelques points de vigilance pour un usage raisonné et bien maîtrisé de l’IA, comme l’ont rappelé Pierre-Adrien Roux, enseignant-formateur, et Kayoum Fane, fondateur de Whire : 

• Protection des données : ne jamais transmettre des informations sensibles ou des données personnelles sur des outils non sécurisés. 
• Impact environnemental : privilégier un usage raisonné et éviter les requêtes superflues. 
• Esprit critique : vérifier les réponses, garder la main sur l’analyse et le jugement. 
• Encadrement éthique : de nombreux partenaires (France Travail, Nantes Métropole, Département 44) ont élaboré une charte pour encadrer l’usage de l’IA autour d’engagements tels que la finalité liée au service public, la transparence, la liberté de choix, l’équité… 

Le message à retenir : l’IA est un assistant, pas un substitut. Le rôle du conseiller évolue, mais reste au cœur de l’accompagnement.