La discrimination empêche de trouver un stage



En 2014, l’association Tissé métisse a engagé une étude sur la discrimination perçue chez les jeunes en lycée professionnel en recherche de stage. 875 lycéens issus de 6 établissements de Nantes métropole ont été enquêtés. Résultats présentés par le laboratoire de psychologie de l’Université de Nantes.

 

 

L’étude, qui a reçu le soutien de la Ville de Nantes, de l’État et du Conseil régional, ne porte pas sur les sources de la discrimination, mais se centre sur la parole et le ressenti de la victime.

Janète Terrazas-Macebo, doctorante et responsable de la recherche, explique que l’objet de l’enquête était de recenser les difficultés pour trouver un stage, d’examiner les mécanismes de discrimination quand ils existent et de mettre en évidence les stratégies pour faire face aux situations discriminantes.

 

La discrimination constitue un vrai obstacle

D’une façon générale, il ressort que près de la moitié des jeunes lycéens ressentent la recherche de stage comme difficile, voire très difficile.

Parmi les obstacles recensés, le refus de l’entreprise de prendre des stagiaires suite à une sollicitation est mis en évidence par 85 % des jeunes. Le silence de l’entreprise est également très mal perçu par près des deux tiers d’entre eux. Malgré cela, les jeunes reconnaissent et intègrent le fait que les stages sont une contrainte trop forte pour les entreprises.

La discrimination est bien présente et constitue un vrai obstacle. À la question « Avez-vous l’impression que c’est à cause de la discrimination que certains élèves n’obtiennent pas de stage ? », 35 % des jeunes enquêtés répondent oui. Ce chiffre passe à 41 % pour les jeunes d’origine étrangère. Les raisons le plus souvent évoquées sont le racisme, l’origine, la couleur de la peau, l’apparence physique et les stéréotypes.

77 jeunes disent avoir été directement confrontés à une discrimination lors de leur recherche de stage. 44 sont d’origine étrangère (soit 1 jeune sur 5 de cette catégorie) et mettent comme raison invoquée  la couleur de peau, le nom/prénom, la religion. 33 d’origine française  se sentent discriminés (soit 1 jeune sur 20), mais invoquent d’autres motifs comme l’âge, la filière d’études et l’apparence physique. Le moment où la discrimination est le plus ressentie est lors de l’entretien en face-à-face.

N’est pas évoquée dans l’étude la problématique du genre, probablement parce que l’échantillon ne propose pas de cas atypique par rapport à la filière professionnelle choisie.

Enfin, l’enquête révèle que cette injustice est évoquée plus facilement avec les proches (famille, amis, camarades) qu’avec le milieu enseignant, notamment pour les jeunes d’origine étrangère.

 

La recherche du soutien social

Face à ces situations, comment les jeunes réagissent ? Comment faire pour réduire ou tolérer une telle situation ? Dans de tels cas, l’individu a tendance à développer des stratégies d’ajustement pour faire face et pour s’adapter au climat hostile dans lequel il évolue. Deux façons de traiter cela : se centrer sur la dimension émotionnelle (ce que je ressens et comment m’en sortir ?) ou se centrer sur le problème (éradiquer la question de la discrimination en m’engageant par exemple.)

Les stratégies adoptées par les jeunes en lycée professionnel, relevées dans cette enquête, sont prioritairement des stratégies de groupe, c’est-à-dire une recherche du jeune à avoir un soutien social. On assiste à des comportements de type « Je sais que je peux compter sur l'aide des personnes qui me ressemblent pour faire face à la discrimination que je subis » ou « Je me sens soutenu affectivement lorsque je discute des discriminations avec les personnes qui me ressemblent. »

Enfin, l’enquête et l’analyse qui en découle démontrent, contrairement à ce que l’on pourrait penser, que l’estime de soi n’est pas touchée par ces situations de discrimination, grâce à cette stratégie de réconfort au sein du groupe d’appartenance. Mais elle peut produire une attitude combative par rapport à d’autres groupes considérés à tort ou à raison comme hostiles à son groupe. C’est donc cette identification au groupe d’appartenance qui préserve l’estime de soi des élèves.

 

Sensibiliser et accompagner

En tant que directeur de l’UFR de psychologie et directeur de la recherche, André N’Dobo énonce un certain nombre de préconisations.

Sur le volet accompagnement, les acteurs éducatifs doivent mieux affirmer, face à la discrimination subie par leurs élèves, leur mission sociale. Par ailleurs, pour lutter contre les préjugés, il serait intéressant de valoriser les modèles positifs en entreprise.

Sur le volet sensibilisation, il est nécessaire de s’adapter au public visé lors des campagnes de prévention en milieu scolaire. Bien expliquer ce qu’est la discrimination, comprendre le fait discriminatoire et ses implications juridiques. Aussi, il est important dans toute cette réflexion de bien faire la différence entre le refus d’une non sélection à un stage sur des critères objectifs et la discrimination proprement dite qui repose sur une inégalité de traitement.

Reste pour Tissé métisse et ses partenaires à valoriser ce travail auprès des établissements scolaires, mais aussi auprès des entreprises et de ses représentants.

 

 En savoir plus :

Le site de Tissé métisse

 

Carif-Oref des Pays de la Loire - mai 2015