3 personnes handicapées racontent leur emploi



Retour sur La Semaine pour l'emploi des personnes handicapées. De nombreuses manifestations se sont déroulées en France et en région. Zoom sur 3 parcours professionnels entendus lors des trophées de l’insertion organisés par le Medef 44.

300 personnes étaient réunies ce jeudi soir à Saint-Herblain (44) pour la 11e cérémonie des trophées de l’insertion. La soirée a permis d’entendre des entreprises récompensées pour leur engagement pour l’insertion professionnelle et le maintien dans l'emploi des personnes handicapées dans les secteurs publics et privés, mais aussi les parcours d’Audrey, Dorine et Sophorn.

 

Audrey, conductrice routière, sourde

Audrey Florenceau a 25 ans, elle est sourde de naissance et pratique l’équitation à haut niveau. Après avoir travaillé plusieurs saisons dans la restauration, puis occupé un poste en comptabilité, elle se positionne pour devenir routière. Impossible n’est pas Audrey. La Snat de Saint-Nazaire, Scop spécialisée dans le transport routier de marchandises industrielles, tente le pari en la prenant dans un premier temps en stage pendant lequel elle obtient son permis poids lourd et le titre professionnel. S’ensuit un CDD qui se transforme rapidement en CDI, et depuis septembre 2015, Audrey fait de fréquents déplacements entre Nantes et la Bretagne.

Décrit ainsi, cela paraît simple, mais pas tant que ça. Il a d’abord fallu convaincre la Préfecture et la Médecine du travail, sceptiques qu’une personne malentendante puisse conduire un semi-remorque. Ensuite, la faire accepter de clients très perplexes et enfin se confronter au regard des collègues. « Elle va avoir des accidents », a-t-on entendu. Audrey a très vite surpris par son enthousiasme. « Dès le stage, les collègues ont été impressionnés et convaincus par son adaptation, explique Michel Mézard, PDG de la Snat. Avec l’appui de Cap emploi, c’est devenu très vite une évidence, et aujourd’hui ce n’est plus un événement au sein de l’entreprise. »

« Avant, je travaillais en comptabilité, pourquoi pas arpenter les routes françaises en conduisant un poids lourd ? » explique Audrey naturellement en langue des signes à son auditoire. Pari réussi, une première en France, et un public scotché par son volontarisme.

 

Dorine, pilote d’avion, paraplégique

« La vie de mes idoles, Mermoz, Saint-Exupéry, Guillaumet, s’est achevée par un crash, la mienne a commencé par un accident d’avion à l’âge de 16 ans », commence Dorine Bourneton. « À aucun moment, la paralysie de mes jambes, m’a empêchée de faire ce que j’avais envie de faire : piloter. »

Pas simple tout de même. Aucun appareil n’est prévu pour, et les règles administratives ne le permettent pas. « La difficulté me renforce. » Avec obstination, elle parvient non seulement à faire évoluer les cabines de pilotage, mais aussi à faire changer la réglementation. Quatre ans après son accident, elle réussit son brevet de pilote. Dorine apporte la preuve que tout poste de travail peut être aménagé. En 2003, la licence de pilote professionnel est ouverte aux personnes handicapées. Depuis, 7 personnes en situation de handicap l’ont obtenue.

Son dernier défi est à la hauteur de son engagement et de sa volonté : voler la tête à l’envers. Les obstacles sont nombreux, certes techniques et administratifs, mais aussi physiques. En juin dernier, elle participe au Salon du Bourget et devient la première femme handicapée à faire une présentation de voltige aérienne.

 

Sophorn, gérant d’un salon de bien-être, aveugle

Sophorn Lev, 39 ans, est d’abord vendeur en hôtellerie avant de devenir, quelques années plus tard, coach sportif. Malheureusement, sa vue se dégrade et il est contraint de repenser son avenir professionnel. En perdant la vue, Sophorn a développé un sens relationnel remarquable. Il a fait de son handicap une force. « Les obstacles deviennent des objectifs » affirme-t-il.

Aidé par les banques et épaulé par la Boutique de gestion pour entreprendre (BGE) Pays de la Loire, il a ouvert son salon de massage bien-être, à Nantes. « Il existe beaucoup de praticiens bien-être en France et notamment dans ma région. J'ai pris le risque de me lancer dans ce marché où la concurrence est rude mais j'ai voulu me différencier et sortir du lot. Grâce à de nombreux voyages notamment en Thaïlande et Cambodge, je me suis formé sur tout type de massage venant du monde entier. De plus, étant malvoyant, j'ai développé mon sens du toucher. Je suis plus sensible aux ressentis, sentiments et sensations de mes clients, ce que d'autres praticiens n'arrivent pas forcément. La perte de la vue est donc devenue pour moi une force que je développe quotidiennement. »

De même, à partir de ses compétences antérieures de préparateur sportif, il est parvenu à mettre en pratique son savoir-faire en déclinant un éventail d'activités ciblées sur l’étirement et la relaxation.

« Je voulais créer quelque chose et partager des valeurs » conclut-il. En Thaïlande, « sophorn » signifie « bonheur volontaire ». Objectif atteint, tout comme pour Audrey et Dorine.

  

Carif-Oref des Pays de la Loire, novembre 2015