Le système de la formation professionnelle à l’épreuve de la réforme de 2018



François Falise, expert sur les questions d’organisation, de gouvernance et de financement de la formation professionnelle, est intervenu le jeudi 26 janvier devant les équipes du Cariforef pour dresser un état des lieux de la réforme de 2018. En voici la synthèse.

 

La loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel a révolutionné le système de la formation professionnelle, dont l’organisation datait de 1971. Tous les acteurs ont été impactés : les organismes de formation, les financeurs, les demandeurs d’emploi, les salariés, les entreprises… Quatre ans après ce "big bang", où en est-on ? quelles sont les transformations opérées et quels sont les enjeux à moyen terme ?

 

Les transformations introduites par la réforme

Avec l’ambition de simplifier et d’améliorer l’efficacité du système de formation professionnelle, les grandes nouveautés de la loi de 2018 ont généré des transformations importantes pour l’ensemble des acteurs. À la différence des réformes précédentes, on peut parler de "réforme systémique" car tous les champs ont évolué concomitamment et leurs interactions s’en sont trouvé modifiées :

Transformation de la gouvernance

Reprise en main par l’État et création de France Compétences, véritable tour de contrôle de la formation professionnelle et de l’apprentissage.

Transformation du champ de l’entreprise

Depuis 2018, l’utilisation des ressources issues de la contribution des entreprises à la formation professionnelle est recentrée sur les formations certifiantes ou qualifiantes. Les entreprises sont encouragées à accompagner le développement des compétences de leurs salariés par de nouvelles modalités, notamment l’Action de formation en situation de travail (Afest) ou la Formation ouverte à distance (Foad).

Transformation du champ des organismes de formation

La libéralisation du marché, et par voie de conséquence l’ouverture à la concurrence, ont amené les structures de formation à repenser leur positionnement et leur offre. Pour bénéficier de financements publics, la certification Qualiopi est rendue obligatoire.

Transformation de l’apprentissage

C’est une des transformations majeures de cette réforme, qui donne une place prépondérante à l’apprentissage. Le fonctionnement des CFA a été considérablement modifié : depuis 2018, les CFA sont autonomes, responsables de leur équilibre économique. Ils continuent de bénéficier de l’appui des conseils régionaux sur des aspects plus qualitatifs.

Transformation du droit des salariés

Dans une démarche d’individualisation de la formation, la transformation de l’accès au Compte personnel de formation (CPF) a marqué une révolution. Disponible en ligne, il est entré dans les pratiques dans un temps extrêmement rapide. S’il a permis de faire sortir la formation professionnelle de l’ombre, il connaît aujourd’hui une phase de régulation (lutte contre la fraude et le démarchage, participation des individus…).

Transformation des certifications

L’ambition de recentrer les certifications sur leur efficacité professionnelle et de les découper en blocs de compétences pour faciliter le développement de la formation tout au long de la vie a fait émerger de nouvelles procédures et entraîné une réduction drastique des enregistrements, en particulier au niveau du Répertoire spécifique (RS).

"Ce nouveau système, en vigueur aujourd’hui et au moins pour les cinq années à venir, a provoqué l’apparition de plusieurs marchés dans le champ de la formation professionnelle : le marché des formations longues certifiantes, le marché du développement des compétences en entreprise, le marché du CPF et le marché des certifications", conclut François Falise.

 

Les enjeux à moyen terme

L’ampleur de cette réforme reste aujourd’hui considérable. Si les fondamentaux sont acquis et ne semblent pas remis en cause, il reste encore des enjeux à résoudre, principalement autour de la régulation politique et financière du système. Plusieurs évolutions semblent nécessaires.

Pour le Gouvernement
  • assurer la régulation financière sur le CPF et sur le champ de l’apprentissage,
  • poursuivre la réforme des certifications et la réforme de la VAE, par le travail autour des compétences et des blocs de compétences transférables,
  • optimiser les systèmes d’information,
  • améliorer la formation des demandeurs d’emplois par le biais du Plan d’investissement dans les compétences (PIC) et de France Travail (une expérimentation relative à l’accompagnement vers l’emploi du RSA est menée sur 19 territoires dont la Loire-Atlantique et la Mayenne).
Pour les partenaires sociaux et les branches professionnelles
  • accompagner les besoins des salariés et développer le dialogue social en entreprise,
  • contribuer à la régulation de la qualité et du financement du système, participer à la gouvernance au niveau national et régional.
Pour les entreprises
  • s’approprier le nouveau cadre du développement des compétences (les TPE et PME connaissent encore des difficultés, la mobilisation est progressive),
  • co-construire les projets de formation avec les salariés.
Pour les CFA
  • concevoir une stratégie de sourcing, 
  • adapter leur pédagogie pour répondre aux attentes des différents publics (usage du numérique, accompagnement, individualisation...),
  • travailler l’attractivité,
  • consolider le pilotage économique.
Pour les Régions

Lors de l’Université d’hiver de la formation professionnelle organisée à Cannes, entre le 25 et le 27 janvier 2023, la ministre déléguée chargée de l’Enseignement et de la Formation professionnels, Carole Grandjean, a annoncé que ces ajustements feront l’objet de concertations avec les acteurs.

 

En savoir plus

Consulter notre dossier consacré à la réforme de 2018
 
 

 

Cariforef des Pays de la Loire, février 2023