Réécouter : "Auto-entrepreneur : une fausse bonne idée ? "



En janvier 2009, la loi de modernisation de l'économie créait le statut d'auto-entrepreneur. À l'occasion de son dixième anniversaire, l'émission "Du grain à moudre" de France culture faisait, le 8 janvier 2019, un état des lieux de ce régime.

   

Opposés à  "l'excès de normes" qui régissait, selon eux, le monde du travail, les pères du régime d'auto-entrepreneur l'ont conçu comme un "statut de simplification". L'objectif était, en 2009, de permettre aux individus, quel que soit leur statut, de s'engager dans l'entrepreunariat en levant les contraintes administratives et fiscales. Il s'agissait également de leur donner la possibilité de potentiellement augmenter légalement leurs revenus, tout en luttant contre le travail au noir.

Nommé tout d'abord "auto-entrepreunariat", le régime a ensuite pris le nom de  "micro-entrepreneuriat" en  2014. Il a également été sujet d'assouplissements en 2016 (les entreprises relevant de ce régime sont désormais soumises au régime microsocial) et 2018 (les seuils de chiffre d'affaires permettant d'accéder à ce régime ont été doublés).

 

Une empreinte forte dans le monde du travail

Le succès que le régime a connu dès son introduction reste aujourd'hui réel. Selon l'Insee, les micro-entreprises représentent, en 2018, 45 % des créations d'entreprises et leur nombre a progressé de 28 % entre 2017 et 2018.

Pour Hervé Novelli, son créateur, l'introduction de ce régime a, en 2009, "comblé un manque". Et, en 2019, il est appelé, selon lui, à s'inscrire durablement, aux côtés du Contrat à durée indéterminée (CDI), dans le cadre légal du travail, au détriment du Contrat à durée déterminée (CDD).

 

Liberté ou contrainte ?

Pour autant, derrière ces chiffres enthousiasmants et ces principes louables se cachent des réalités diverses.  Jusqu'à des situations de salariat déguisé, attestées en cour de cassation dans plusieurs cas de jurisprudence.

Car la création de ce régime a ouvert la voie à une libéralisation très forte du marché du travail. En distillant, dans la société française, des valeurs de créativité, d'autonomie, tout autant que de flexibilité, l'auto-entrepreunariat a modifié fortement l'approche même du travail en France.

Alors que le marché du travail est resté très pécarisé et que le chômage est comparable à ce qu'il était dix ans auparavant, fréquemment, l'auto-entrepreunariat apparaît comme un pis aller, que l'individu adopte après avoir échoué à intégrer le salariat. Parallèlement, pour les jeunes, ce régime devient désormais une modalité d'entrée sur le marché du travail, au même titre que le stage.

Pourtant, cette émancipation peut être trompeuse car ce travail, sensé être indépendant, est souvent contraint (par une évaluation permanente dans les cas des travailleurs de plateformes) et fragile (dépendance fréquente au seul donneur d'ordre).

 

Encadrer la pratique pour protéger

Les questions que posent cette forme de travail et la jurisprudence récente montrent la nécessité de mieux encadrer et de mieux protéger ces salariés. La réflexion menée par l'Union européenne autour d'un socle de protection de droits pour les salariés et les non salariés va dans ce sens.

 

 

Écouter l'émission de France culture  "Du grain à moudre" du 8 janvier 2019, consacrée à ce thème, en présence de Judith Bouhana (avocate spécialiste en droit du travail), Sarah Abdelnour (sociologue), Hervé Novelli (Ancien secrétaire d’Etat au Commerce, à l’Artisanat et aux PME) et animé par Raphaël Bourgois

 

Cariforef des Pays de la Loire, février 2019

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Quelques références documentaires disponibles